Une gamine en robe blanche et sandales avec un sac à dos rose. Le chauffeur de taxi qui devait l’amener près de l’école n’en revenait pas. C’était toujours lui qui se retrouvait avec les monstres, les bruyants, les amoureux sans pudeur. La fillette regardait autour d’elle avec un air ébahi. Elle avait un casque relié à un vieux baladeur à cassettes. Lorsque ses yeux se posèrent sur le petit panneau « Capucine Berranger » que tenait le chauffeur, elle eut un sourire et s’avança bien vite vers lui.

-C’est moi, ça. Enfin.Presque.

Son accent était à couper au couteau, mais on la comprenait. L’homme regarda le panneau, grommela une réponse, lui ouvrit la portière. Elle se précipita à l’intérieur de la voiture, regardant tout autour d’elle. Complètement barge.
Le chauffeur finit par accepter la présence de l’enfant, qui, malgré sa curiosité, ne pipait mot. Elle regardait sagement par la fenêtre, un sourire rêveur sur les lèvres. Son petit sac à dos serré contre elle, l’air de découvrir un nouveau monde.

-Tu viens de loin ?
-oui monsieur.

Elle avait hoché la tête pour appuyer ses mots, au cas où on ne la comprendrait pas. Oliver avait pris soin de fourrer dans le petit sac ses vieux cours d’anglais. Si elle n’était pas bilingue, elle avait adopté les bases durant les nombreuses heures de voyage qu’elle venait de vivre. Epuisée par un tel trajet, elle n’était tenue en éveil que par l’excitation de cette nouvelle vie qui s’offrait à elle. Au bout d’un petit moment, la voiture s’arrêta.

-Bon, je dois t’arrêter là. J’ai été payé à l’avance donc tu me dois rien. Tu sais où tu vas ?

Après un léger temps d’hésitation, elle hocha la tête à nouveau. Elle savait à peu près où était située l’école. Oliver avait tout préparé pour qu’elle n’ait aucune difficulté à s’en sortir et pour s’orienter.
Elle quitta l’homme bougon pour s’avancer vers l’école. Capucine était nerveuse. Ici commençait le monde. Poussant la grande porte d’entrée, elle posa timidement son petit pied sur le sol gardé au frais entre les murs du bâtiment. N’ayant jamais vu d’école, le premier mot qui lui vint fut « immense ». Et ça l’était ! La pièce lui apparaissait gigantesque, excessivement grande.
Elle réalisa soudainement qu’elle était non seulement seule, mais qu’une fois cette porte franchie, elle n’avait plus aucun repère. Elle était perdue. A petits pas, elle avança dans la grande pièce. Des étudiants allaient et venaient, se précipitant pour certains, d’autres traînant les pieds. Capucine se sentait minuscule. Timide, elle n’osait pas aborder quelqu’un. Puis pour dire quoi ? « bonjour, je viens d’arriver de France, je sais pas si je suis inscrite, je sais pas où aller, pitié au secours » ? Ça sonnait bizarre, non ? Elle soupira, cherchant des yeux une personne qui pourrait l’aider.

Capucine tournait la tête, à gauche, rien, à droite, rien. Elle avançait avec tout l'espoir du monde. Voyant un banc, elle s'avança vers lui en se disant qu'elle allait attendre là que quelqu'un prenne pitié d'elle et lui demande ce qu'elle fichait là, ce n'est pas un endroit pour mendier. Elle y allait donc d'un pas décidé quand une jeune fille, grande, blonde, qui rappelait les princesses des contes de fées, la bouscula légèrement. Capucine sursauta.

-Pardon !

Elle s'inclina un peu, pour appuyer ses mots. Timidement, elle releva la tête pour mieux observer la jeune femme. Malgré l'air froid peint sur le visage de celle-ci, l'été lui allait bien. Ses cheveux blonds reflétaient le soleil, auréolant son visage d'une douce lumière. C'était surprenant et fascinant, tous ces jeux de lumière que Capucine ne connaissait pas. La demoiselle lui adressa la parole, et, en se concentrant, l'enfant parvint à saisir le sens de la question.
Elle hocha la tête vigoureusement.

-Oui. Je suis arrivée...maintenant...

Passant une petite main dans ses cheveux d'un air gêné, elle réalisait bien que son anglais était loin d'être parfait. Elle faisait des efforts malgré tout, articulant ses syllabes pour se faire comprendre au mieux. Avec un petit sourire timide, elle jouait nerveusement avec ses doigts, les tortillant en tous sens.
Elle n'osait pas vraiment demander de l'aide à la jeune femme.

¤Et si je la gênais ? Elle avait l'air occupé...Elle n'a pas l'air très heureuse de me voir, en plus...¤

Elle fouilla dans son sac, en sortit le dossier qu'Oliver lui avait dit de montrer à l'école. Normalement, il contenait tous les papiers d'inscription. Laissant son sac à ses pieds, elle tendit le dossier devant elle, pour le montrer à la jeune femme, en espérant qu'elle comprendrait. Cherchant dans le vocabulaire qu'elle venait d'acquérir, elle tenta une explication maladroite.

-Je suis nouvelle. L'école a besoin de papiers, je crois ? Tu sais où je les donne ? Désolée de prendre ton temps...

Waouh. Ce n'était pas encore ça, mais il y avait de l'idée. Rosissant de sa maladresse, elle espérait que la demoiselle en face saisirait l'idée générale de son bafouillage. Ses yeux pleins d'espoir ne quittaient pas la jeune femme, malgré la timidité de l'enfant. Elle voulait vraiment de l'aide, et garder le regard sur l'étudiante l'aiderait sans doute à voir si la jeune femme accepterait de l'aider ou non.

La jeune femme avait l'air de la comprendre, et cela faisait grand plaisir à Capucine. Un sourire un peu plus sûr s'installa doucement sur le visage de la fillette alors qu'elle observait la jeune femme. L'enfant était un peu troublée car c'était la première mutante à qui elle parlait, et une foule de questions l'assaillait. Quel était son pouvoir ? D'où venait-elle ? Avait-elle vécu le même genre de choses que la fillette ?
L'enfant se posait toutes ces questions en silence, alors que la jeune femme regardait son dossier. Avec toute la douceur du monde, la demoiselle le prit des mains de la fillette qui y vit une aide potentielle. Les mots qui suivirent le geste soulagèrent la petite du stress qui l'accablait.
Oh bien sûr elle était toujours nerveuse parce qu'elle venait d'arriver dans une école où elle n'avait aucun repère, mais elle n'était plus perdue.
D'ailleurs la grande blonde fit un petit signe de tête pour intimer à Capucine de la suivre. L'enfant ramassa son sac, le mettant à son épaule, et trottina pour rattraper la jeune femme, la suivant de près. Elle gardait la tête levée, autant pour regarder sa sauveuse si elle lui parlait que pour observer les couloirs et chercher déjà des repères pour ne pas se perdre par la suite.
La question qui finit par tomber était une des plus simples à laquelle Capucine pouvait répondre, et aussi une des premières qu'elle avait assimilé. Avec un petit sourire, elle répondit donc.

Je m'appelle Capucine. Et toi ?

Les deux demoiselles parcouraient les couloirs pour se rapprocher des bureaux de l'administration. C'était l'arrivée là bas qui inquiétait Capucine. Une fois devant la personne à qui elle devrait remettre son dossier, elle ne serait pas sûre de comprendre toutes les questions ou d'y répondre bien. Elle espérait de toutes ses forces que la jeune femme ne la laisserait pas seule face à ce nouvel ennemi qu'était la barrière des langues. Le fait qu'elle ait pris son dossier la rassurait un peu, mais peut-être comptait-elle partir après avoir tendu le dossier au secrétaire ? L'enfant priait pour que ce ne soit pas le cas.
Les couloirs se ressemblaient un peu tous, mais ici et là, Capucine trouvait des détails qui l'aideraient pour s'orienter. Si elle n'était pas encore à l'aise dans l'école, elle avait toutefois la sensation que le temps qu'elle passerait ici serait sans aucun doute la meilleure période de sa vie. Elle espérait juste que le temps ici ne passerait pas trop vite, et qu'il durerait longtemps. Elle n'était pas assez optimiste pour penser déjà à avoir des ami(e)s, mais elle espérait secrètement trouver quelques personnes qui l'aideraient à se sentir bien ici.

Nerveuse comme pas possible, l'enfant essayait de garder un air serein, et une cadence pas trop rapide, ne sachant pas où elle allait, c’eût été stupide de dépasser son guide. Elle réfléchissait, se demandant où elle allait dormir, à quoi ressemblait la nourriture ici (ou même la nourriture en règle générale, elle avait eu droit à énormément de plats à base de céréales ou de soupes, et Oliver lui avait déjà fait goûter du chocolat au lait, qu'elle avait particulièrement apprécié). Elle avait tant de choses à découvrir, elle se sentait toute petite et ignorante dans un monde gigantesque plein de possibilités. C'était terriblement excitant et effrayant à la fois.
N'oublions pas, en plus, que c'était son premier jour d'école. Elle n'avait jamais été à la maternelle, et neuf ans, pour une première journée à l'école, c'est un peu tard. Capucine avait (heureusement) appris à lire, écrire, compter dans le laboratoire. Cela faisait partie de ses exercices quotidiens pour stimuler son cerveau et tenter de la rendre plus intelligente. Elle avait le niveau, à peu de choses près, d'une enfant de son âge, et une curiosité que certains enfants, bassinés par les instituteurs, ont déjà perdu.
La jeune femme se présenta. Kathnyss. Capucine ne savait pas si c'était un prénom du coin, elle n'en connaissait aucun, mais elle le trouvait très beau. Elle n'avait jamais entendu une telle sonorité et cela sonnait original aux oreilles de la fillette.

-C'est joli, Kathnyss.

Avec un petit sourire, l'enfant regarda la jeune femme, puis ses pieds, en se disant que ce genre de compliments ne se disaient peut-être pas, dans la vraie vie. Elle guettait la réaction de son guide pour savoir si ce qu'elle avait fait était bien ou une énorme bêtise à ne jamais recommencer.
Traversant le labyrinthe sournois, destiné à perdre les âmes les plus faibles, le duo finit par arriver héroïquement devant la porte du boss de la secrétaire. Capucine écouta attentivement les consignes que lui donnaient Kathnyss, au cas où celle-ci décidait de la laisser affronter le monstre seule. La dernière question sembla un miracle à l'enfant qui hocha la tête. Si son sourire avait disparu pour laisser place à un petit air inquiet, elle gardait son courage autant qu'elle le pouvait et se retenait de paniquer et de partir en courant. De toute façon, elle n'avait nul part où aller.

-Je...Je veux bien que tu m'aides...Mais si tu as des choses à faire, je comprends. Je veux pas t'embêter...

La fillette espérait vraiment que la jeune femme blonde lui accorderait encore un peu de son temps et l'aiderait jusqu'au bout de son inscription...Voire de son installation, car vu la complexité des locaux, la petite était sûre de se perdre si elle se lançait à la recherche des dortoirs. Il faudrait aussi qu'elle pense à demander si il y avait un endroit où elle pouvait s'acheter quelques vêtements de plus (oui, elle n'a que deux, trois vêtements de chaque type, et son pyjama dans son sac, en dehors des cahiers et stylos offerts par Oliver), car elle allait vite être à cours.